Biographie
présentation
Cette peinture matiériste est liée à la terre et à l’eau. Des grandes « Vasières » des années 1990 aux « Terres d’eaux » des années 2000, fusionnent des formes organiques, des animaux (séries de bœufs, de batraciens dans la série « Migration »), le végétal et le minéral dans les « Murailles Végétales », « Après la pluie ». (Galerie Nicolas Deman 2001).
La toile est un réceptacle aux différentes strates de peinture pour devenir ces « Grands Creusets » qui célèbrent l’alchimie de ces éléments naturels : c’est l’énergie de ces derniers que je veux transmettre. Avec « Vert presque tendre » (Galerie Guigon Paris 2010) et « La Passagère » mise en abyme d’une île (Galerie Mézières, Auvers sur Oise 2013) le tableau devient objet tactile, fragile et minéral, créé par un débordement de peinture qui noie le cadre.
Dans « Le Banquet des Nymphes » l’univers crépusculaire du marais se déploie. « Sauvage est le Vent » éloge aux quatre grands moments d’un jour (Galerie Nicolas Deman, Paris 2016 et 2017). Avec « Les Moires », « A fleur d’eau », « Cendres », (Galerie Nicolas Deman, Paris 2018 et 2022), je fais apparaître entre deux surfaces un monde souterrain en mutation, métaphore de la peinture qui pour moi est un organisme vivant.
La dernière série « La laboureuse » 2023 est une allégorie du processus de création, une immersion dans la matière où je mets en exergue la physicalité de la couche picturale et affirme que la peinture est tout sauf une image.
Biographie complète
Anne Manoli est née à Paris le 24 Février 1961. Elle réalise très tôt que la peinture sera le médium favori pour célébrer une nature qui l’a, dès l’enfance, fortement marquée. C’est avec sa grand- mère, Marie Renaut, qu’elle effectue ses premières peintures. En 1976, elle s’oriente vers des études d’arts-plastiques. Fascinée par le travail de Van Gogh, Ensor et Soutine, elle peint des séries de foules et portraits expressionnistes matiéristes. En 1980 elle entre à L’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Paris dans l’atelier du peintre Louis Nallard qui l’encourage. Le tellurisme de ce dernier ainsi qu’une exposition de De Staël renforcent son attrait pour la matière. La découverte de De Kooning, Pollock, Klein, la libère progressivement d’une figuration expressionniste. Avec une série de toiles presque monochromes, aux formes organiques et diaphanes aux larges aplats, elle obtient son diplôme de l’ENSBA en 1983 et sa première exposition personnelle en 1984.
En 1985-1986, elle poursuit son travail en gravant directement dans la matière de la peinture, réminiscence des bas-reliefs égyptiens et syriens qui la rapprochent de son père Pierre Manoli sculpteur, d’origine égyptienne. La peinture de Kieffer et Barcelo l’enthousiasme. En 1988, elle cherche de nouveaux espaces à travers divers collages et superpositions de toiles dont « Pour qui les continents », « Naissance de la baleine ». Sa palette s’assombrit avec notamment « Mangeur d’étoiles ». En 1990 son geste se libère dans une série de « Grandes Vasières » et de « Petites Nos » où elle retrouve la jubilation de la vase de son enfance. De ce creuset originel, Anne Manoli va sortir les séries de « Muraille Végétales » (1996), et « Transmutations » (1997) qui expriment son obsession de l’alchimie de la décomposition. En 1998, des animaux tels le bœuf, le singe fusionnent dans ses labours de peinture.
Le peintre Astolfo Zingaro découvre son travail et la met en relation avec le galeriste Nicolas Deman qui lui offre une collaboration fructueuse : se succéderont plusieurs expositions personnelles « Migrations », « Chrysalides », « Après la pluie », de 1999 à 2002 ; la couleur et le geste s’intensifient. A Londres, elle réalise pleinement, en rencontrant les œuvres de Kossoff et d’Auerbach, que la peinture transmet une énergie vitale. En 2003, à l’instigation de Marion et Yves Guigon, l’artiste conçoit de grands formats où elle décline les quatre éléments naturels avec des « Grandes tourbières », « Marée blanche », « Grand lapilli », « Asphodèles ».
2004-2005 : Anne Manoli entreprend une série de « Terres d’eaux », paysages aux lignes horizontales qui se répètent tels les ressacs des marées. En Normandie, la verticalité des falaises va donner naissance à une série de toiles, petits morceaux de terre d’aspect minéral et fragile exposés à la Galerie Guigon « Verts presque tendres » en 2010. Dès lors la peintre va insister sur « l’objet toile », le dessin formé par les sorties de peinture du cadre : dans un premier temps, elle le consolide, dans un deuxième temps, l’affirme : le débordement de peinture n’est plus le résultat du geste mais une construction préalable. « L’objet tableau » devient de plus en plus tactile, les bords ainsi dessinés, sculptés donnent l’impression d’une extraction, d’un arrachement.
En 2013, la Galerie Mézières présente une monographie : « La Passagère » ainsi que l’exposition d’une série de toiles, mise en abîme d’un bout de terre (une île) où le temps érode la surface. Devenue matte, la lumière diffuse une énergie plus sourde. Poursuivant la «minéralisation » de la peinture, son travail rejoint l’art pariétal et de la fresque.
2016, reprise de la collaboration avec le Galeriste Nicolas Deman qui insuffle une nouvelle énergie et expose : « Le banquet des Nymphes », l’univers crépusculaire du marais se déploie dans de grandes toiles où la matière se libère ; 2017 « Sauvage est le Vent » quatre grands formats éloge aux quatre grands moments d’un jour ou d’une année ; 2018 « Les moires », Anne Manoli fait apparaitre entre deux surfaces un monde souterrain de formes en circulation, en mutation qui font surgir en leurs trajectoires des ilots de matières tout en les raccordant ; métaphore de la peinture qui pour le peintre est un organisme vivant.
La dernière série « La laboureuse » 2023 est une allégorie du processus de création, une immersion dans la matière où je mets en exergue la physicalité de la couche picturale et affirme que la peinture est tout sauf une image.
« Je procède par strates, trace un parcours, crée des formes, mets ce parcours et ces formes en connexion, les recouvre d’une couche de peinture plus ou moins transparente. Par un procédé technique, je vais redécouvrir ce que j’ai enseveli. L’opération peut se répéter jusqu’à que j’obtienne une surface vivante, ce que j’appelle surface vivante est une surface qui témoigne de ses expériences, de ses vies passées. »
Anne Manoli
Le matériau peinture est la célébration des grandes vasières de mon enfance, une jubilation, un terrain de jeux, un creuset de tous les possibles, une liberté.